• Portraits de chercheurs Carnot MERS,

Heloïse MULLER, unité DYNECO de l'Ifremer

Publié le 20 février 2025 Mis à jour le 25 février 2025
Développer des modèles permettant de simuler l’évolution de la santé, de la couverture et de la densité des récifs coralliens et herbiers marins sous l’effet du changement climatique et des activités humaines.
Heloïse Muller, chercheuse à l'Ifremer Plouzané

Heloïse Muller, chercheuse à l'Ifremer Plouzané


Quel est ton parcours dans la recherche ?

Mon parcours est marqué par une passion pour l'océanographie et les sciences de l'environnement, que j'ai cultivée via un cursus académique et professionnel axé sur la recherche et l'ingénierie. Après une classe préparatoire Maths-Physique, j'ai intégré l'ENSTA Bretagne où je me suis spécialisée en océanographie-hydrographie. En parallèle, j'ai obtenu un master en océanologie à l'Université de Bretagne Occidentale. J'ai poursuivi avec une thèse CIFRE en collaboration avec l'Ifremer, l'UBO et ACTIMAR, portant sur la circulation lagrangienne en mer d’Iroise, intégrant des modélisations météo-océanographiques et des données de radars HF. Après ma thèse, j'ai travaillé deux ans chez ACTIMAR sur des projets d’océanographie opérationnelle. En 2010, j'ai rejoint le BRGM à Orléans en tant qu'ingénieur-chercheur dans les risques côtiers et le changement climatique.
Depuis 2018, je suis chercheuse à l’Ifremer, spécialisée dans les interactions entre hydrodynamique côtière, sédiments et écosystèmes côtiers, pour une gestion durable des environnements littoraux.
 

Ce qui m’anime dans la recherche, c’est l’opportunité d’allier curiosité et application concrète des résultats. C’est un espace de liberté où l’on explore, teste et découvre des solutions qui peuvent faire bouger les choses. J’aime cette capacité à questionner les paradigmes existants tout en cherchant des réponses à des défis concrets.

Sur quel projet de recherche Carnot MERS travailles-tu en ce moment ?

Actuellement, je travaille au sein d’une équipe pluridisciplinaire de doctorants et postdoctorants sur un projet dédié à la dynamique des habitats biogéniques, tels que les récifs coralliens et les herbiers marins. L’objectif est de développer des modèles hybrides combinant approches probabilistes et équations mécanistes afin de simuler l’évolution de la santé, de la couverture et de la densité de ces habitats sous l’effet du changement climatique et des activités humaines. En intégrant des données complexes issues de différentes sources, ces modèles permettront de mieux comprendre leur réponse aux pressions environnementales et d’anticiper leur évolution à moyen et long terme.

Ce travail s’inscrit dans le contexte actuel du changement climatique et de la dégradation des écosystèmes marins. En simulant divers scénarios, nous pourrons évaluer l’impact de différentes stratégies de gestion et fournir des outils d’aide à la décision pour les gestionnaires de zones maritimes. L’objectif est de préserver ces écosystèmes en testant l’influence des pressions et en optimisant les actions de conservation.

Quelle en serait l’utilité pour un industriel du secteur maritime ?

Ce projet présente un intérêt majeur pour les industriels du secteur maritime impliqués dans la gestion côtière, la pêche, le transport maritime, les infrastructures portuaires et la restauration écologique :
 
  • Optimisation de la gestion des espaces marins : Les modèles hybrides développés offrent une vision précise de l’évolution des habitats marins sous l’effet du changement climatique et des pressions anthropiques. Ils permettent de tester différents scénarios et d’anticiper les impacts environnementaux. Par exemple, un acteur de l’aménagement côtier pourra ajuster ses projets d’infrastructure en fonction de leur effet sur les écosystèmes avoisinants. 
  • Réduction des risques réglementaires : Avec le renforcement des réglementations environnementales, disposer de modèles prédictifs facilite l’anticipation des impacts industriels sur les habitats marins. Cela permet aux entreprises de s’adapter proactivement et d’éviter des restrictions contraignantes.  
  • Contribution à la restauration écologique passive : Les entreprises spécialisées dans la restauration écologique pourront évaluer l’efficacité de la restauration passive, qui repose sur la réduction des pressions humaines pour favoriser la régénération naturelle des écosystèmes. Cette approche, souvent plus durable et moins coûteuse que les interventions directes, représente une alternative stratégique pour renforcer la résilience des habitats marins. 
  • Renforcement de l’acceptabilité sociale et environnementale : En simulant l’impact de leurs activités sur les écosystèmes marins, les industriels pourront adopter des pratiques plus responsables et valoriser leurs engagements environnementaux. Cela renforce leur image et leur acceptabilité auprès des parties prenantes.
  • Anticipation des effets du changement climatique : L’évolution des écosystèmes marins affecte directement certaines activités, comme la pêche et le transport maritime. Les modèles développés permettront d’évaluer ces impacts et d’adapter les stratégies industrielles face aux défis du changement climatique.  
En résumé, ce projet fournit aux industriels des outils d’aide à la décision pour minimiser les risques environnementaux, optimiser leurs activités et contribuer durablement à la préservation des écosystèmes marins.
 

Pourquoi as-tu choisi de travailler dans la recherche académique ?

Ce qui me plaît particulièrement dans la recherche académique, c’est que l’on a une grande liberté intellectuelle. Cette possibilité d'explorer des idées nouvelles, sans pressions commerciales ou industrielles, mais toujours avec une certaine exigence, est extrêmement stimulante. La recherche académique permet de s’aventurer hors des sentiers battus, elle nous donne la liberté de creuser et de remettre en question les acquis, d'explorer de nouvelles voies... De plus, dans un cadre académique, nous avons également le temps de nous consacrer à la formation des étudiants, dimension essentielle pour moi. Transmettre mes connaissances, partager l’enthousiasme pour la science et accompagner les futurs chercheurs dans leur parcours est un aspect très gratifiant de mon travail. Cela permet non seulement de contribuer à la formation de la prochaine génération, mais aussi de continuer à nourrir l’esprit de curiosité et de rigueur scientifique chez les étudiants.


Que penses-tu de la recherche académique au regard des défis auxquels sont confrontés les industriels ?

La recherche académique est essentielle pour répondre aux défis industriels. Toutefois un décalage existe entre la rapidité attendue par les entreprises et le temps nécessaire pour produire des solutions scientifiques robustes. Certaines innovations, notamment dans le domaine de l’écologie, demandent du temps pour prouver leur efficacité. Par exemple, nous  commençons à bien comprendre que les solutions qui cherchent à restaurer ou à préserver les écosystèmes naturels, plutôt qu’à imposer des modifications forcées du paysage, sont bien plus efficaces et durables que les interventions humaines trop invasives.

Une évolution des mentalités est donc nécessaire : les chercheurs doivent intégrer les problématiques concrètes rencontrées par les entreprises, et les industriels doivent accepter que certaines innovations prennent du temps pour offrir des solutions durables et solides. En travaillant ensemble dès la conception des projets, chercheurs et industriels peuvent créer un partenariat bénéfique pour les deux parties, combinant rapidité et durabilité dans les innovations.

 

Quel est l'objet qui définit le mieux qui tu es, ou ton activité ?

Une boussole ! Car elle symbolise l’orientation, la quête et la direction... Des éléments clés de mon parcours et de mon engagement en recherche. Elle symbolise aussi la liberté, cette sensation de grandeur, d'infini et de potentiel que m’inspire la mer. C’est un rappel de mon désir de la protéger et de comprendre comment l’homme peut interagir avec elle de manière durable, en respectant ses équilibres naturels tout en cherchant des solutions concrètes. Enfin, la boussole est un outil d’exploration et de navigation, qui correspond à mon goût pour l’apprentissage et la découverte de nouvelles pistes.
 

En tant que chercheure, je suis toujours à la recherche de nouveaux savoirs, de nouvelles méthodologies, de nouvelles façons de lier les différents domaines pour mieux comprendre notre monde marin. Et c’est cette quête incessante qui définit, à mon sens, ma démarche scientifique.

sur le terrain

Publié le 20 février 2025 Mis à jour le 25 février 2025